1788 et demi!

Derrière ce titre un peu hors du commun se trouve une série télévisée hors du commun. L'histoire est toute simple - la vie d'une famille d'aristos appauvris juste avant la Révolution française de 1789. On y retrouve la famille de Saint-Azur, le père et ses trois filles, chacun perdus dans leur vie imaginaire. Le père est un noble fier, un ancien combattant qui souhaite prolonger sa carrière militaire en imaginant des machines de guerres pour vaincre les Anglais; l'aînée, Victoire consacre son temps à découvrir les usages des plantes, ce qui la fait passer pour une sorcière plutôt que pour une femme de science; la cadette, Pauline, est la coquette rêvant de la gloire de Versailles tandis que la benjamine, Charlotte, se la joue plutôt garçon manqué - véritable fille de son père. Leur confort va bientôt être perturbé par l'arrivée de leur cousin Geoffroy, un dandy de cour venu express pour reprendre leur château. Bientôt la famille Saint-Azur sera obligée de sortir de leurs rêveries respectives pour essayer de se sortir du cercle vicieux qui les entoure alors comme un nœud coulant.

Cette série est typique des films de cape et d'épée. Les costumes et les décors sont d'époque, on suit les aventures des personnages, que se soit des courses en cheval ou des duels.

Mais le discours change. La première scène qu'on peut voir c'est le père et ses filles jetant un cadavre à l'eau puis ils se confessent au prêtre avec un air tout à fait désinvolte. Le spectateur se sent introduit dans un polar rocambolesque ponctué par des parties de drame pur.

Ensuite, il y a l'emploi du langage familier moderne - quand l'intendant essaye de dresser avec quelle aise son maître gaspille l'argent, il utilise le terme:  «il est raide dingue » puis se rétracte en utilisant un euphémisme tout a fait sorti des précieuses de Molière :  « une expression de la Caraïbe». L'emploi des deux langages est un anachronisme intéressant qui pimente l'histoire parce que les sujets traités sont modernes et  d'actualité encore aujourd'hui: le statut de la femme, le racisme, le traitement des pauvres etc.

La musique joue aussi une rôle important, on entend qu'un seul menuet, le reste de la musique en off sont des compositions rock, un contrepoint à l'époque.

1788 et demi est une série décalée, elle trouve sa place quelque part entre les filmsLibertin  de Gabriel Aghion et Marie-Antoinette de Sofia Coppola. Elle a l'air d'une comédie française et elle traite le sujet de la liberté (morale, sexuelle etc.) assez ouvertement mais l'anachronisme musical vient définitivement du film américain qui a éloigné les films d'époques du rigide historicisme.

Mais la question qui se pose est si cette série va faire sa propre révolution dans la télévision?

Regardons de plus près: les premiers trois épisodes étaient diffusés successivement l'un après l'autre vendredi dernier en deuxième partie de soirée sur France 3. On attend les trois suivants pour ce week-end. Mais est-ce que ce n'est pas un peu trop pour une soirée? Chacun dure plus de 45 minutes et ils sont sensés attirer un public plus jeune, qui possède cette ouverture d'esprit nécessaire pour comprendre le décalé et se divertir devant le poste de télé - chose que les jeunes générations ont perdu avec l'arrivée des sites Internet proposant le streaming des séries américaines qui jouent de plus en plus sur la mise en scène décalé des sujets sérieux ( la sexualité dans Sex and the City, le cancer dans  The Big C etc).

Cela va sans compter les réactions plus que négatives des médias sur la série qui présente les mélanges de la série, son point novateur, comme un faux-semblant.

Il est admirable que France 3 a essayé de revivre un peu le genre de la fiction télévisée française, surtout une série parce que dernièrement le public était obligé de se contenter  des rediffusions  de l'Inspecteur Moulin.

  Vous pouvez visionner les épisodes précédants grâce à ce lien.

Anja

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